drapeau fr drapeau en

« THE GOOD COMPANY » retour sur le débat du Cercle des Affiliés

Le débatDans le cadre du 4ème cercle des Affiliés d’iXO PE, du 28 septembre 2015 au Meeting Lab de Toulouse, nous avons partagé des points de vue avec l’appui de 4 dirigeants débattant sur quelques fondamentaux de la bonne entreprise d’aujourd’hui et de demain.

« The Good Company », c’est en résumé une entreprise agile, performante, qui vit avec son temps, où il fait bon vivre, et qui exerce avec éthique sa responsabilité sociétale. Sur le terrain, au quotidien, « the good company » , ou « la bonne entreprise », c’est aussi la capacité de réinventer un mode de management et de gouvernance pour faire face à un contexte instable, à un dysfonctionnement ou à l’arrivée sur un marché de nouveaux entrants qui bouleversent les normes et habitudes… Thierry PEDELOUP ETHICS Group, un groupe de conseil spécialisé dans la transformation des entreprises, la communication sensible et la concertation autour des projets d’intérêt public, 4 cabinets experts (B&T Associés, Motive, DigiSmart, Parmenion), 80 salariés, 8 M€ de CA. Le facilitateur des débats autour du thème « The Good Company ».: Pierre-Georges et Philippe CHAUSSON – Chausson Matériaux, une entreprise dont le capital est détenu à 85 % par la famille Chausson, négociant de matériaux de construction pour les professionnels, 320 points de vente et 3600 salariés au sud de la Loire, 832 M€ de CA, subissant une réduction d’activité depuis 2008. Le témoin grande entreprise historique. Olivier DOBIGEON – LDL Technologie, concepteur et fabricant de produits électroniques embarqués pour des marchés de niches ; réalisant 95 % de son CA à l’export avec une croissance de 90 %, aujourd’hui à 13 M€. Le témoin PME, gestion de crise en environnement industriel et développement. Robert BOUSQUET – STERELA, société reprise avec un CA de 7 M€ en 2010, développé aujourd’hui à 131 M€, dont 35 % à l’export sur des produits technologiques mêlant mécanique et électronique, à destination des instances publiques et grandes structures. Le témoin PME, reprise et développement.

Comment penser l’entreprise autrement pour lui donner un autre élan et plus d’agilité dans des marchés de plus en plus exigeants et qui se transforment très vite ?

« The Good Company » s’apparente à une approche dynamique globale et non à un traitement symptomatique et localisé d’une problématique. Les paroles de CHAUSSONS matériaux : « La bonne entreprise » se décompose en 3 stades. Le premier est d’avoir une stratégie, un cap et de s’y tenir tout en étant capable de comprendre comment les faire évoluer. Le second est de faire en sorte que tout le monde au sein de l’entreprise comprenne la stratégie et qu’elle soit véritablement partagée. Le troisième stade est de mobiliser les hommes pour que cette stratégie soit appliquée. La valeur d’exemple est essentielle. Nous prenons très régulièrement des journées avec nos cadres pour partager notre stratégie et la faire vivre et leur permettre de l’incarner. Une stratégie qui n’est pas mise en œuvre, c’est une stratégie qui n’est pas comprise et un risque de démotivation des salariés. Par ailleurs, il ne faut pas confondre la stratégie de l’entreprise décidée par les actionnaires avec les allocations de ressources pour la décliner en stratégie opérationnelle. Les paroles de LDL Technologie : Le management atypique qui a été mis en place afin de redynamiser un site de production en forte baisse de performances s’est concrétisé pendant plusieurs trimestres de suite par l’arrêt total de l’activité du site sur quelques heures, pour expliquer, à tous au même moment, la stratégie, les résultats et tout ce qui restait à faire pour les atteindre. Si tout le monde ne comprend pas tout ce qui est dit, cela indique une direction et booste la motivation. Même pour des salariés qui étaient là depuis plus de 30 ans, cela redonne un sens au fait de venir le matin. Quand la stratégie est bien claire et comprise, on peut laisser s’installer un débat d’idées, faire émerger des approches contradictoires. La stratégie est le meilleur fil conducteur pour canaliser les avis divergents car, à la fin, elle permet d’argumenter et de trancher sur les choix retenus en les rendant légitimes. Grâce à la participation des salariés, on a fait émerger de nouvelles idées, des innovations qui ont permis à LDL d’être préféré par Goodyear à des compétiteurs pesant pourtant plusieurs milliards. Il faut donc savoir ménager l’impulsion du dirigeant et la stratégie, l’innovation participative. Par contre, quand une décision est prise très vite, il faut l’expliquer pour ne pas perdre la confiance des collaborateurs. Si on veut aller loin, il faut y aller ensemble, si on veut aller vite, mieux vaut y aller seul ! Nous distinguons le cap long terme défini tous les 10 ans, les objectifs stratégiques à 3 ans et les objectifs de l’année. Nous demandons à chaque service de réfléchir à la façon dont ils peuvent atteindre les objectifs. L’agilité et la participation s’expriment aussi à ce niveau. Les paroles de STERELA : Au moment du rachat en 2010, il existait des habitudes vielle de 30 ans. Par exemple, avant le service achat était derrière le service production. Nous avons changé cela avec un gain très important tout en expliquant les raisons et en les ramenant à la stratégie. En tant que nouveau dirigeant, j’avais une vision des choses différente et il a fallu faire un travail de fond pour réorganiser l’entreprise en facilitant le changement. On a expliqué aux salariés pourquoi nous allions investir en R&D pour nous renouveler et à l’export pour développer l’activité. Nous avons eu des succès, cela à facilité l’adhésion ! Je défends l’approche participative pour débattre de la stratégie. Une dynamique d’énergie libérée avec un cap très bien défini. Mais plus la taille de l’entreprise augmente et plus le débat sur les choix stratégiques est difficile. Nous avons mis en place 3 séminaires en 5 ans. Le premier pour faire comprendre que la R&D était le nerf du développement. Le second pour accompagner les changements de métier et expliquer le rachat d’une société de soft complémentaire à notre activité. Le troisième séminaire sur le thème de coopération. Comment construire des projets uniques ensemble pour être capable d’offrir au marché ce qu’aucun concurrent n’est capable d’apporter. Les paroles de HBF (PME spécialisée dans les produits électriques) : la plus grande difficulté provient des résistances et nécessite des réunions de cadres très régulières, parfois dans la douleur ! Nous avons également privilégié des espaces d’échange réguliers et informels autour d’une tasse de café. Même dans ce cadre, tous ne prennent pas la parole pour exprimer leurs idées. Les paroles de SYGNATURES (cabinet d’expertise comptable de 130 collaborateurs) : la réflexion stratégique se fait avec les cadres pour concilier leur esprit d’indépendance tout en leur donnant de la visibilité dans un cadre collectif. Cela responsabilise et stimule le sentiment d’appartenance. Il faut ménager les différences de valeurs entre l’équipe en place et les nouveaux entrants, notamment la génération Y qui bouscule les habitudes ! Créer de l’attachement n’est pas chose facile. Les paroles de DISTRAL (PME spécialisée dans la menuiserie ALU) : Etre agile, c’est aussi être capable de repenser la mise en œuvre de sa stratégie tous les 3 mois, au même rythme que son prévisionnel, pour s’adapter à l’évolution de ses marchés qui sont particulièrement irréguliers.

Alors que les systèmes socio-économiques sont en plein bouleversement, repenser l’entreprise c’est aussi repenser les relations sociales qui l’animent, renforcer la coopération entre les individus et revoir le droit du travail ?

Renforcer la coopération au sein de l’entreprise est un point clé. Tout le monde est d’avis que les salariés pourraient mieux coopérer. Mais les solutions ne sont pas simples à trouver et le challenge permanent. Le capital humain est essentiel à l’entreprise mais de là à aller libérer l’entreprise. L’entreprise CHAUSSON Matériaux est sceptique. Pour ses représentants, il faut de la discipline et un cadre précis. Sans quoi, il est difficile de conserver la direction choisie. Vous parlez de « Libérer l’entreprise » ? Pour nous, laisser trop de liberté aux salariés, c’est prendre le risque de sortir du cadre stratégique qui vient de la direction. Est-ce antagoniste ? Chez STERELA comme chez LDL Technology, il y a une vraie volonté de libérer les énergies, renforcer la coopération et favoriser les initiatives. STERELA a été jusqu’à la mise en place de séances de coaching sur la base du MBTI. De part et d’autre, le collectif a su se solidariser pour relever des défis. En particulier chez LDL Technology qui a dû affronter plusieurs situations de crise (inondation d’usine…). Pour renforcer la coopération, le besoin d’appartenance est important. Le dirigeant de LDL Technology considère pour cela qu’il est souhaitable d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise. Les objectifs collectifs sont mieux appréhendés. Les primes de performance stimulent les salariés à court terme et présentent un risque sur la notion d’acquis lorsqu’elles ne sont plus adaptées. Mais globalement, associer les salariés financièrement à un projet mobilise et fait évoluer la motivation sur le long terme. Quasi unanimement, les actions gratuites ne sont pas privilégiées par les responsables d’entreprise qui préfèrent un engagement plus fort des salariés/associés. Quand les salariés investissent personnellement et puisent sur leurs finances, ils deviennent de vrais « associés » au projet en profondeur et s’engagent personnellement. Cela décuple leur attachement et change leur état d’esprit. Chez SYGNATURES ce dispositif a montré son efficacité même si jamais rien n’est définitivement gagné. Notamment avec les nouvelles générations. Par ailleurs, les équilibres sociaux sont toujours sensibles. Tous les acteurs en présence sont unanimes. Il faut revoir le droit du travail et le rendre plus simple. La flexibilité serait un atout évident. Aujourd’hui, certains témoignent de la « disparition » de la démission remplacée par des demandes systématiques de rupture conventionnelle. L’entreprise se retrouve dans la situation de devoir payer le changement que souhaite le salarié. Même, si à l’origine, ce n’était pas l’objectif. Il y a aujourd’hui une inégalité flagrante au détriment de l’entreprise qui n’est plus supportable (en particulier sur les dossiers prud’homaux). Le chef d’entreprise qui souhaite trancher en faveur du collectif peut être fortement contraint par des comportements individuels qui s’y opposent. D’autres témoignent, que les syndicats et leur représentation nationale peuvent être des obstacles aux accords avec les salariés de l’entreprise lorsqu’ils adoptent une posture de défense de leurs propres intérêts au détriment des intérêts des salariés. Les représentants de CHAUSSON Matériaux illustrent le point dans le cadre d’un rachat. La direction avait proposé un accord de substitution favorable aux salariés entrant dans le groupe. Cet accord avait obtenu l’unanimité des salariés et des représentants syndicaux locaux mais avait été refusé par le syndicat au plan national.  

« The Good Company » une concertation à engager ?

Impossible d’approfondir plus les sujets en si peu de temps…  Pour autant, ces échanges informels nous montrent à quel point les problématiques se retrouvent dans toutes les entreprises. Les aborder dans une dynamique collective nous donnerait plus de force pour un changement indispensable. Confronter les expériences et partager ses idées autour de « The Good Company » est, sans nul doute, un moyen de nous fédérer pour lancer un véritable mouvement de transformation.

Gageons que ces échanges ne sont qu’un début !